La confirmation du revirement opéré par la Cour de cassation concernant l’indemnisation du préjudice d’anxiété lié à l’amiante
Pour rappel, par un arrêt en date du 5 avril 2019, la Cour de cassation, en son Assemblée plénière a opéré un revirement de jurisprudence en ce qui concerne l’indemnisation des salariés exposés à l’amiante.
Depuis la loi du 23 décembre 1998, les travailleurs particulièrement exposés à l’amiante, sans être atteints d’une maladie professionnelle, avaient la possibilité de partir de manière anticipée à la retraite. En effet, l’article 41 de cette loi dispose qu’une : « allocation de cessation anticipée d’activité est versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l’amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l’amiante ou de construction et de réparation navales, sous réserve qu’ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu’ils remplissent les conditions suivantes ». Sur la base de cet article, la chambre sociale de la Cour de cassation, a admis en 2010, que les salariés ayant travaillé dans un des établissements mentionnés ci-dessus, peuvent demander réparation du préjudice d’anxiété constitué par l’inquiétude générée par le risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante. Cependant, les salariés n’entrant pas dans le champ de l’article 41 de cette loi, ne peuvent bénéficier de la réparation du préjudice d’anxiété, même sur le fondement d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, comme en témoigne l’arrêt de la chambre sociale du 21 septembre 2017 (pourvoi n° 16-15.130).
Cette exclusion a été critiquée, notamment au regard de l’importance du nombre de salariés, n’entrant pas dans le champ d’application de l’article 41 de la loi de 1998, ayant été exposés à l’inhalation de poussières d’amiante de nature à compromettre gravement leur santé. Face à cette situation, l’assemblée plénière de la Cour de cassation, c’est à dire sa formation la plus solennelle, a été saisie pour réexaminer cette question.
Elle a opéré un revirement le 5 avril 2019. En effet, dans cet arrêt la Cour de cassation, sans revenir sur le régime applicable aux travailleurs relevant de l’article 41 de la loi de 1998, reconnaît la possibilité pour un salarié justifiant d’une exposition à l’amiante, générant un risque de développer une pathologie grave, d’agir contre son employeur, sur le fondement des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, quand bien même il n’aurait pas travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée.
Elle ajoute que ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017.Cette position est la même que celle retenue par la jurisprudence Air France de la chambre sociale du 25 novembre 2015.
Cette position vient d’être confirmée par plusieurs arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 11 septembre 2019. Il y est en effet reconnu qu’en application des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, le salarié qui justifie d’une exposition à l’amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n’aurait pas travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée.