Pour rappel, la plus haute juridiction administrative s’assure notamment de la cohérence de la mesure envisagée, « de son articulation avec les dispositions existantes », et veille à ce que celle-ci soit « limpide, concise et précise » et à ce qu’elle ne soit pas « source de difficultés d’interprétation ». À l’issue d’une séance en date du 14 janvier 2021, le Conseil d’État rend son avis sur ce projet de loi constitutionnelle.
Une révision constitutionnelle conforme à la proposition citoyenne
Il faut tout d’abord remarquer qu’il s’agit « du troisième projet de réforme constitutionnelle portant sur la question environnementale », qui lui est soumis en un peu plus de trois ans. Mais il faut reconnaître, qu’en vertu du choix du Président de la République de recourir au référendum, ce projet pourrait bien aboutir.
Le projet de loi comporte un seul article ; il est prévu d’insérer après la troisième phrase du premier alinéa de l’article 1er de la Constitution, la phrase :
« Elle [La France] garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique ».
Ce projet reprend donc à l’identique, la proposition de la Convention citoyenne pour le climat. L’inscription de l’environnement dans la Constitution était une des 149 propositions remises au gouvernement le 21 juin 2020, de l’initiative citoyenne.
Petite parenthèse ; si on peut d’un côté, saluer la bonne volonté de l’exécutif et son effort de transcrire aussi fidèlement que possible les attentes citoyennes pour cette proposition plus que symbolique, il est légitime, d’un autre côté, de s’inquiéter quant à la transposition d’autres propositions de la Convention citoyenne pour le climat au regard des critiques formulées par quelques instances de consultations obligatoires, début 2021, sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (loi « Climat et Résilience »). Cette loi, doit notamment, permettre d’atteindre les objectifs fixés au niveau national et international. Et, le Conseil Économique Social et Environnemental (CESE) qui soutient depuis un certain temps que la France « ne se situe pas sur les trajectoires prévues par sa Stratégie nationale bas-carbone », n’est pas rassuré par l’ébauche de la loi Climat et Résilience qui, à ce jour, « ne paraît pas en mesure de redresser la situation climatique et de prendre en compte les inégalités sociales ». Le Conseil affirme que les mesures apparaissent souvent « limitées, différées, ou soumises à des conditions telles que leur mise en œuvre à terme rapproché est incertaine ». Pour résumé, les mesures du projet de loi censé adapter les autres propositions citoyennes sont insuffisantes. Il ne reste plus qu’à espérer que le gouvernement et les parlementaires soient attentifs aux retours des différentes instances de consultation au risque de s’exposer à une déconvenue au terme de la période fixée, pour les objectifs français.
Pour en revenir à ce projet de révision constitutionnelle, le Conseil d’État rappelle toutefois que, la « protection de l’environnement occupe déjà la plus haute place dans la hiérarchie des normes ». En effet, celle-ci est déjà consacrée dans la Charte de l’environnement de 2004 et fait donc partie du bloc de constitutionnalité [ces textes et principes à valeur constitutionnelle que les lois doivent respecter]. Par ailleurs, deux récentes décisions du Conseil constitutionnel (n° 2019-823 QPC ; n° 2020-809 DC), prouvent que le juge constitutionnel interprète déjà de manière extensive la Charte de l’environnement. Néanmoins, le Conseil d’État reconnaît, comme en 2019, qu’inscrire dans la Constitution la cause environnementale, aux côtés des principes fondateurs de la République, est justifié en vertu de son caractère prioritaire et du fait qu’il s’inscrit comme « un des enjeux les plus fondamentaux auxquels l’humanité est confrontée ». La juridiction du Palais Royal a conscience que ce projet revêt avant tout une portée symbolique.