Une décision faisant suite au revirement de jurisprudence du 5 avril 2019
Dans un arrêt rendu le 5 avril 2019 (18-17.442), l’assemblée plénière de la Cour de cassation avait étendu aux salariés des établissements non mentionnés à l’article 41, la possibilité de demander réparation d’un préjudice d’anxiété sur le fondement du manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur. En effet, de nombreux salariés ne remplissaient pas les conditions prévues à l’article 41 ou alors, leur employeur n’était pas inscrit sur la liste fixée par l’arrêté ministériel, quand bien même ils avaient été exposés à des poussières d’amiante, lesquelles compromettant gravement leur santé. Il en résultait, qu’avant cette décision de l’assemblée plénière (qui s’inscrit comme un revirement de jurisprudence), les victimes n’entraient pas dans le cadre de la loi, donc ne pouvait bénéficier du système de préretraite ou obtenir une quelconque réparation. Par cet arrêt, la Cour a ainsi permis à ces salariés, justifiant d’une exposition à l’amiante, générant de ce fait un risque élevé de développer une pathologie grave, d’agir contre leur employeur sur le fondement du droit commun (obligation de sécurité) « quand bien même il[s] n’aurai[en]t pas travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 ».
Dans l’arrêt du 30 septembre 2020 (19-10.352), les juges de cassation sont revenus sur la décision de la Cour d’appel, considérant que le simple fait de justifier que la victime ne pouvait se prévaloir d’un préjudice d’anxiété car elle avait travaillé dans l’établissement « classé Acaata » en tant que sous-traitant était insuffisant pour lui refuser toute indemnisation. En effet, conformément à la décision de mai 2010, n’étant pas salarié de l’entreprise propriétaire des locaux contaminés, la victime n’avait pas droit à la reconnaissance de son préjudice d’anxiété. La Cour de cassation retenait elle-même auparavant que, s’agissant des salariés mis à disposition d’une entreprise entrant dans le champ des entreprises « ouvrant droit à l’Acaata », elle se refusait de permettre à ces mêmes salariés de prétendre à l’indemnisation d’un préjudice spécifique d’anxiété par leur employeur dès lors qu’il n’entrait pas lui-même dans le cadre des établissements « classés Acaata » (dans un arrêt en date du 22 juin 2016). Mais, par son arrêt du 30 septembre 2020 (19-10.352), la juridiction du quai de l’horloge, dans le prolongement de l’arrêt du 5 avril 2019 (18-17.442), ouvre la voie et consacre la faculté, pour les sous-traitants, d’agir en justice contre leur employeur en réparation de leur préjudice d’anxiété, dès lors que ceux-ci peuvent justifier d’une exposition à l’amiante. Il est donc important de relever que, ces derniers, ne bénéficient pas du régime de preuve dérogatoire évoqué ci-dessus (pour les salariés d’un employeur propriétaire des locaux contaminés, arrêt du 11 mai 2010, n° 09-42.241). Les sous-traitants sont donc tout de même tenus de rapporter la preuve de leur exposition à l’amiante et la preuve de leur préjudice en application des règles de droit commun.
Cette décision tend à combler les lacunes résultant des dispositions de l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 en ce qui concerne les possibilités d’indemnisation pour les victimes de l’amiante. Cela pose aussi quelques questions quant à la responsabilité de l’entrepreneur exposant ses salariés à l’amiante. En effet, l’indemnisation du préjudice d’anxiété des sous-traitants exposés à l’amiante, incombera à l’employeur, personne morale, qui n’avait aucun lien avec l’établissement contaminé dont il n’était pas propriétaire…