21 février 2023

Le Sénat aborde la question de l’avenir de l’eau en France

La France a connu une sécheresse historique sur tout son territoire au cours de l’année 2022 : 33 jours de canicules, une température annuelle moyenne (record) à plus de 14,2°C, des mois de mai et juillet enregistrés comme les mois les plus secs depuis 1959, ainsi qu’une sécheresse accrue des sols pendant près de huit mois… Ainsi, après un été 2022 marqué par une sécheresse intense et généralisée, après la répétition des sécheresses d’une année sur l’autre, la prise de conscience des enjeux liés à l’eau se doit de progresser. À ce titre, la prise de conscience collective peut passer par des instructions gouvernementales, pour exercer sur chacun une pression telle, que nul ne pourra plus ignorer les problématiques liées à baisse généralisée de l’approvisionnement en eau. Début janvier, le Ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a consacré comme action prioritaire pour l’Inspection des installations classées, l’« action sécheresse » afin de veiller à ce que les exploitants continuent leurs efforts dans la réduction de leur consommation d’eau, et donc de la préservation de cette précieuse ressource. Cette instruction fait également suite au rapport d’information du Sénat en date de novembre 2022.

Le constat part d’un constat réaliste : la France est habituée à une eau abondante et disponible pour une multitude d’usages, il s’agit d’un pays bien doté en eau, toutefois elle doit désormais s’adapter à l’accélération des conséquences du changement climatique. Il faut donc « porter un regard lucide sur les changements » à venir. Le 24 novembre 2022, la délégation sénatoriale a rendu son rapport, lequel a eu pour objectif, de répondre à huit questions centrales portant sur l’avenir de l’eau à l’horizon 2050 en France :

  • Comment évolueront les utilisations de l’eau ? En d’autres termes : les utilisateurs de l’eau vont-ils pouvoir apprendre à s’en passer ?
  • Comment le cycle de l’eau va-t-il se modifier ? En d’autres termes : en quoi le changement climatique transforme-t-il le cycle de l’eau en France ?
  • Comment gérer les conflits d’usage ? En d’autres termes : risque-t-on de voir se multiplier les conflits d’usage avec des crises de l’eau à répétition ?
  • Comment améliorer la gouvernance de l’eau ? En d’autres termes : qui décide et met en œuvre la politique de l’eau en France ?
  • Quelles sont les données nécessaires à une bonne gestion de la ressource ? En d’autres termes : dispose-t-on de suffisamment d’informations pour gérer l’eau ?
  • Comment mieux mobiliser l’eau sur notre territoire ? En d’autres termes : économiser l’eau ou fabriquer l’eau pour nos différents usages ?
  • Comment faire progresser la qualité de l’eau ? En d’autres termes : peut-on escompter disposer d’une eau saine et de bonne qualité en France ?
  • Quels sont les enjeux financiers de la politique de l’eau ? En d’autres termes : le coût de l’eau peut-il rester supportable ?

Le rapport comporte huit recommandations à mettre en œuvre dès aujourd’hui pour faire de l’eau un bien commun partagé, répondant aux attentes de la société dans un contexte de transition hydrique qui touche tous les territoires. Les huit recommandations sont les suivantes :

Permettre la construction de nouvelles retenues d’eau, de préférence multi-usages, lorsque le service environnemental et économique rendu est positif.

La création de retenues d’eau artificielles ne devraient pas être exclue d’emblée (notamment lorsqu’elles ne créent pas d’effets collatéraux). Constituer des réserves, via une ressource abondante hors période d’étiage, peut s’avérer une solution pertinente d’un point de vue économique mais aussi d’un point de vue environnemental. Une nouvelle retenue peut, en effet, créer de la biodiversité et améliorer le fonctionnement d’un écosystème local. La délégation sénatoriale donne un exemple : « redessiner un cours d’eau dont le lit a été affecté par la succession de crues n’est pas forcément négatif et peut par exemple améliorer la circulation des sédiments et renforcer la continuité écologique ».

Prioriser les solutions fondées sur la nature dans la gestion du grand cycle de l’eau.

Il convient « d’aller à l’encontre de la tendance à l’artificialisation des sols, de désimperméabiliser, en particulier en milieu urbain, pour favoriser l’infiltration de l’eau de pluie ou encore apporter de la fraîcheur dans les villes lors des pics de chaleur »

Accélérer l’adaptation des pratiques agricoles aux nouvelles tensions hydriques.

Selon la délégation sénatoriale, « l’adaptation des pratiques au changement climatique est encore trop lente et la transition vers l’agro-écologie doit être accélérée à travers tous les leviers possibles ». À ce titre, les chambres d’agriculture auront un rôle éminent à jouer pour diffuser les pratiques qui vont tendre vers plus d’efficacité, et un usage plus maîtrisé de la ressource en eau.

Augmenter les moyens financiers consacrés à l’eau, en particulier ceux des Agences de l’eau.

S’agissant du financement des Agences de l’eau, des augmentations de budget ont été annoncées, toutefois leur périmètre s’élargit aussi. Il convient donc de veiller à ce que les ressources allouées rattrapent les ambitions affichées, afin de ne pas prendre trop de retard.

Re-politiser les instances de gouvernance de l’eau.

En raison des nombreux regroupements de structures et l’intercommunalisation de la compétence eau et assainissement, l’eau n’est plus que rarement une question politique débattue lors des campagnes électorales locales. Le pouvoir est passé du côté des techniciens, quand bien même ces derniers (malgré leurs compétences), n’aient pas le pouvoir de décision. Ainsi, il est nécessaire que « les présidents d’intercommunalités et les décideurs politiques au sens large se réinvestissent sur la question de l’eau, par exemple en siégeant en personne dans les structures gérant la fourniture d’eau potable et l’assainissement ».

Encourager la recherche et l’innovation, par exemple dans la réutilisation des eaux usées traitées.

Des axes d’innovation tels que : la recharge artificielle des nappes, la réutilisation des eaux usées traités, la télésurveillance des réseaux, le recours aux données numériques, l’imagerie satellitaire, sont autant d’innovations ayant vocation à être encouragée pour, par exemple, mieux connaître l’état de la ressource.

Décentraliser davantage la décision publique sur l’eau et faire confiance aux échelons locaux.

La mission propose de décentraliser davantage la décision publique sur l’eau (sans remettre en cause l’architecture par bassins, qui a sa pertinence, notamment pour fixer les grandes orientations), et faire confiance aux échelons locaux.

Développer une pédagogie de l’eau auprès du grand public.

« L’information est disponible mais la compréhension des enjeux de gestion de l’eau est parfois difficile. La question de l’eau est surtout mise en avant durant les périodes de sécheresse pendant lesquelles les particuliers sont appelés à réduire leur consommation d’eau. Or, c’est toute l’année qu’il faut sensibiliser le grand public à la recherche d’économies d’eau à travers des campagnes de proximité et un encouragement à des gestes simples du quotidien. C’est une véritable éducation à l’eau qu’il convient ainsi de promouvoir ».

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