La décision du Conseil d’Etat du 5 février 2020
Par cette décision du 5 février 2020 (pourvoi n°425451), le Conseil d’Etat est venu éclaircir le flou qui pouvait exister au sein du champ d’application de l’article 6 de la directive 2011/92 UE qui conférait une véritable autonomie à l’autorité administrative qui est en charge du projet.
Après avoir rappelé les termes de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement et son interprétation par la Cour de justice (CJUE, 20 oct. 2011, aff. C-474/10), le Conseil rappelle que « si elles ne font pas obstacle à ce que l’autorité publique compétente pour autoriser un projet soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce que l’entité administrative concernée dispose d’une autonomie réelle, impliquant notamment qu’elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui soient propres ».
Transposant ce raisonnement à notre organisation administrative, la Haute juridiction opère la distinction suivante :
- Lorsque le préfet de région est l’autorité compétente pour autoriser le projet, en particulier en sa qualité de préfet du département, ou dans les cas où il est en charge de l’élaboration ou de la conduite du projet au niveau local, si la mission régionale d’autorité environnementale (MRAE) peut être regardée comme disposant, à son égard, d’une autonomie réelle il n’en va pas de même des services placés sous son autorité hiérarchique, comme la DREAL ;
- Lorsque le projet est autorisé par un préfet de département autre que le préfet de région, l’avis rendu sur le projet par le préfet de région en tant qu’autorité environnementale (Ae) doit, en principe, être regardé comme ayant été émis par une autorité disposant d’une autonomie réelle, sauf dans le cas où c’est le même service qui a, à la fois, instruit la demande et préparé l’avis de l’Ae.
Le Conseil d’État précise ainsi que les exigences de la directive, impliquant que l’entité administrative dispose de ses propres moyens, ne peuvent être satisfaites lorsque le projet a été instruit pour le compte du préfet de département par la DREAL et que l’avis émis par le préfet de région a été préparé par la même direction, à moins qu’il n’ait été préparé, au sein de cette direction, par le service le service régional chargé de l’environnement (appui à la MRAE) mentionné à l’article R. 122-21 du code de l’environnement. En d’autres termes, Il y a une différence notoire qui est opérée entre les pouvoirs pluridisciplinaires dont peut jouir le préfet dans le cadre de son autorité environnementale et le champ de compétence de ses propres services.
Il faut noter qu’en parallèle de cette décision, un projet de décret relatif à l’autorité environnementale est en cours. Or, il existe un parallèle entre les deux : on constate que les conséquences de la décision du Conseil d’Etat prennent déjà en compte les nouvelles dispositions du projet de décret. En effet, l’un des enjeux de ce projet de décret est d’adopter une organisation de l’autorité environnementale qui soit conforme aux exigences européennes en termes de « séparation fonctionnelle » entre cette autorité et l’autorité décisionnaire. Cette nouvelle organisation favorisera la sécurité juridique indispensable aux projets sans alourdir ni ralentir les procédures. Le projet de décret prévoit que les avis sur les études d’impact qui étaient rendus par les préfets de région le seront désormais par les missions régionales d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable, comme c’est le cas depuis mai 2016 pour les plans et programmes.